En 1668, après avoir conquis une importante partie des territoires des Pays-Bas espagnols, Louis XIV établit à Tournai un conseil souverain chargé d’administrer la justice aux nouveaux sujets de la Couronne. Cette juridiction est érigée en parlement en 1686 et son ressort évolue au fil des guerres menées par le Roi Soleil. Transférée à Cambrai en 1709 après la perte de Tournai lors de la guerre de Succession d’Espagne, la cour emménage définitivement à Douai en 1714. Malgré les promesses du maintien des particularismes locaux formulées dans les actes de capitulation des villes, la monarchie tente insidieusement de rapprocher la pratique judiciaire du ressort du parlement de Flandre de celle du reste du royaume de France. La justice, comme l’armée, l’administration et l’Église, est une institution majeure permettant progressivement l’assimilation des territoires conquis. C’est à cette fin que l’ordonnance criminelle de 1670 est envoyée pour enregistrement à la cour et que de nombreux textes de droit pénal viennent dicter les politiques répressives à appliquer. L’historiographie présente généralement les officiers de ce parlement comme dociles envers la monarchie. Pourtant, le dépouillement des arrêts rendus par cette juridiction a permis de révéler deux exemples de désobéissance manifeste aux ordres de Louis. En appliquant les anciens usages des Pays-Bas espagnols, les magistrats n’hésitent pas à faire ouvertement primer leurs intérêts financiers sur les ordres du roi.
]]>En l’absence d’instrument de recherche de la sous-série 8 B 1 des archives départementales du Nord, la plupart des écrits scientifiques sur le conseil souverain de Tournai, puis du parlement de Flandre, reposaient jusqu’alors soit sur l’analyse des édits et des ordonnances royaux soit sur quelques ouvrages historiques ou de doctrine. Aujourd’hui plus accessible, cette sous-série, où sont conservés essentiellement les dossiers de procédure de la cour, s’ avère riche en renseignements. À travers ces dossiers, c’est toute l’activité en amont de la phase de jugement qui se révèle au chercheur. Ils éclairent d’un nouveau jour la littérature juridique de la fin du XVIIe siècle et du XVIIIe siècle. Ils mettent ainsi en lumière le rôle du conseiller-commissaire dans la procédure. En effet, appliquée à un grand nombre de pièces de nature et d’origine diverses, une analyse lexicographique a permis de dresser le statut et les fonctions du conseiller-commissaire. Pour dresser ce portrait il a fallu débusquer dans le vocabulaire des sources le sens des mots. Ce sens n’est apparu qu’en se débarrassant du cartésianisme contemporain qui conduit à rechercher par déduction et non par induction. La recherche inductive, en redonnant leur sens aux mots ou aux locutions souvent mal interprétés, a permis de retracer les conditions prévalentes au choix des premiers conseillers de la cour, l’honneur et la dignité attachés à la charge de conseiller-commissaire ont pu être dégagés, la place centrale du conseiller-commissaire dans la procédure a émergé des sources exploitées, et les modalités effectives du travail du conseiller-commissaire se sont dégagées.
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